Inde, une suite spectaculaire

Publié le par Jean-Michel Tour Du Monde

Comme vous l'avez sans doute remarqué, les débuts indiens ont été un peu ardus. Le Népal permet de s'habituer, un peu, à l'état d'esprit. Mais vraiment très peu en fait.

L'Inde touche, impacte, agresse. L'Inde surprend. Comme l'a remarqué un voyageur croisé en route : "quoi qu'on en dise ou qu'en en pense, l'Inde ne peut pas laisser indifférent".

C'est très vrai. Les débuts ont été un peu difficiles, mais la suite est époustouflante.

Et pas plus tard que tout de suite, au petit jour, sur les ghats(http://fr.wikipedia.org/wiki/Ghat) dans la brume à Varanasi {note de JM : bien que présenté comme une seule et même scène, la description suivante rassemble en réalité 2 jours d'observations des quais}.

Des gamins jouent an criquet, pieds nus, avec des bouts de bois en guise de batte. Des vaches, omniprésentes, mangent ou dorment sur des monticules de déchets. Sur le fleuve, perdu dans le brouillard, des bateliers crient pour annoncer leur présence (la visibilité au milieu du Gange n'excède pas 2 ou 3 mètres). Alignés, une dizaine d'hommes les pieds dans l'eau, frappent du linge sur des pierres plates. Devant eux, d'immenses draps colorés sèchent à même le sol, sur de la fiente et des bouses de vache sèches. Un vieux en slip blanc, l'air perdu, nettoie un petit coin de ghat avec un saut d'eau. Juste à côté de lui, un homme bedonnant se lave dans le fleuve, s'immergeant entièrement à plusieurs reprises. A quelques mètres de lui tombe une peau de banane négligemment jetée par un homme d'affaire au téléphone. A peine plus loin, une femme se change dans une minuscule cahute au sol couvert d'excréments. Des chiens dorment ici et là, et des chèvres, sacs poubelle dépassant de la gueule, se regardent d'un air perdu. Derrière, des enfants à l'école chantent, et cette mélodie se mélange à celle de femmes priant dans un temple. Un sadhou (http://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%A2dhu), le visage couvert de cendre, assis en lotus, regarde la scène se caressant la barbe en mâchonnant une tige.

Au fait, les chèvres qui mâchonnent des sacs plastiques la, et ben elles sont toutes en chemise.

Un bateau, bourré à craqué de touristes occidentaux, caméra au poing, filment tout ça avec concentration. Devant le bateau, plusieurs adolescents pèchent des pièces jetées en offrande au fond du Gange, grâce à des aimants au bout de fils de pêche. Autour du bateau, plusieurs vendeurs, dans leur supermarché flottants, proposent des bougies flottantes ou des couronnes de fleurs. A côté, un vieux nourrit des centaines de mouettes et de pigeons avec des restes de chapati. Pendant qu'ils mangent, un petit bonhomme rabougri, en slip, court sur place et saute les bras en l'air. Sa gym matinale à n'en pas douter.

D'autres touristes, marchant le long des quais, se font harceler par des bateliers, proposant des balades dans leur coquille de noix. Se débarrasser d'eux demande concentration, expérience, calme et détermination. Et ça toutes les 2 à 3 minutes environ. L'un des touristes a accepté de serrer la main d'un passant. Celui-ci ne le lâche plus et commence de force un massage de sa paume. Se débarrasser de ce piège-ci demandera, en plus des qualités précédentes, une certaine force dans le poignet. Il est par contre beaucoup plus facile d'échapper aux poseurs de tikka, une fois qu'on sait qu'il sera par la suite très délicat de leur refuser un paiement, aussi petit qu'il soit. Indifférents à ce manège, un groupe d'enfant suivant un cours de yoga se plient dans des positions compliquées, avec des degrés de réussite variés.

Les odeurs des tas d'ordures se mêlent à celles des fleurs, des épices, de la lessive, et à bien d'autres, pas toujours reconnaissables. Des vieux en haillons, certainement venus ici pour mourir et ainsi se libérer du cycle des réincarnations, sont couchés un peu partout. Une meute de chiens se chauffe à la chaleur d'un reste de feu de poubelles. Des femmes en saris colorés chantent et tapent dans leurs mains, de l'eau jusqu'aux genoux. Devant elles, un lot de bougies dérive lentement au gré du courant. En remontant leurs traces, on peut apercevoir un bateau rempli de Chinois en prières. Derrière les femmes, des pêcheurs assis par terre réparent leurs filets, pendant que des enfants volent des bouts de filets pour accrocher leurs cerf-volants.

Un hippie, en lotus, médite les yeux fermés. Sur le ghat de droite, plusieurs personnes rient à gorge déployée, sûrement des yogi du rire. Sur celui de gauche, plusieurs autres se prosternent et crient, saluant et adorant le fleuve. Derrière, un homme, de la mousse à raser jusqu'au front, se fait raser à la lame. Dos à lui, son ami se fait raser la tête. Un majestueux jet de salive vermillon leur passe devant, la faute au sempiternel paan (http://en.wikipedia.org/wiki/Paan). Il viendra s'étaler au sol en une immense tache, qui fera un temps concurrence aux innombrables gobelets en plastiques, le fond encore maculé d'un chai merveilleux.

...Et moi, le carnet à la main. En levant la tête, j'aperçois des volutes de fumée blanche qui s'élèvent, témoins des dizaines de crémations ayant lieu en continu sur un ghat, entouré de gigantesques piles de bois. La fumée se perd dans le ciel, moucheté de points noirs. Ce sont les cerfs-volants des enfants. Dans le lointain, les cloches de la puja (http://fr.wikipedia.org/wiki/Puja) retentissent, la fête va bientôt commencer.

...

Je prends lentement conscience de la double lecture permanente du pays. Une vache sacrée sur un tas d'ordures. Un bain rituel dans une eau dégueulasse.

Est-ce que le lieu est magique ? Est-ce que le sacré est palpable ? Suis-je à ma place à regarder ces scènes de vie ?

Je ne sais pas.

Le lonely planet résume ça très bien : "world-class people watching" (un lieu de classe mondiale pour observer les gens).

Au delà de ça, même le sous-photographe incompétent que je suis s'est bien rendu compte que les ghats sont un paradis photographique. La lumière est parfaite, à toute heure de la journée, avec ou sans brume. Les ghats regorgent de scènes qui appellent à la photo. Partout où se porte notre regard, on a l'impression de contempler des clichés sortant de national geographic. Les bâtiments bordant le fleuve sont soit des temples, soit d'anciennes résidences de maharaja. Bref, même avec les yeux fermés, un singe avec un appareil photo jetable pourrait prendre des clichés superbes. Est-ce pour ça que je n'en ai pas pris ? Est-ce par peur de massacrer un lieu pareil avec des photos tout juste passables ? Est-ce pour préserver le mystère ? Est-ce par respect pour les gens, par manque d'envie de jouer au voyeur ?

Je ne sais pas.

Toujours est-il que j'ai pris très très peu de photos, et qu'elles sont ratées. Je vais quand même en mettre quelques unes, mais j'espère qu'elles ne gâcheront pas l'image mentale que vous vous en étiez fait...

1 : les touristes se massent dans des bateaux pour assister à la puja du soir

2 : une vache dort paisiblement. D'ici quelques heures elle ira se coller aux gens pour se faire gratter sous le museau

3 : des bûchers funéraires. La tradition raconte qu'ils ne se sont pas éteints depuis 1000 ans.

4 : le Gange dans la brume matinale

VaranasiVaranasi
VaranasiVaranasi

Varanasi

Pour compléter tout ça, quelques vidéos.

C'est le bordel, on comprend rien, et y'a du monde partout

Oui je sais, il fallait dézoomer avant de faire un 360°

J'ai tenté un gros plan artistique sur une rame. C'est un échec, mais je réclame des points pour l'audace

Ensuite, direction Allahabad. Une ville dont le principal intérêt est la Kumbh Mela (http://fr.wikipedia.org/wiki/Kumbh_Mela), peut-être le plus grand rassemblement humain du monde. Encore une belle claque d'Inde dans la face dans cette ville très peu touristique. Des incompréhensions, des rats, des bouchons, et de grands moments de négociation.

un mausolée sympa aussi

un mausolée sympa aussi

La suite est hallucinante, et à l'opposé de tout ce qu'on avait vu jusqu'à présent (encore une pirouette indienne) : Khajuraho.

Une petite ville, avec une mentalité de village, calme, paisible, presque pas trop de vendeurs qui te collent aux basques, mais surtout... DES TEMPLES !

Les temples de KhajurahoLes temples de Khajuraho
Les temples de KhajurahoLes temples de Khajuraho
Les temples de KhajurahoLes temples de Khajuraho

Les temples de Khajuraho

Je ne me rends pas compte de ce que ces photos à elles seules peuvent produire comme sensations, mais nous avons été très impressionné. D'une part les temples sont très anciens (en gros 1 millénaire), particulièrement beaux, et très typiques. Mais d'autres part ils sont nombreux et regroupés, ce qui renforce l'intensité des lieux (ceux qui remarquerons qu'un lieu ne peut pas vraiment être intense auront raison, mais voyez ça comme une licence poétique).

La suite nous emmène à Orchha. Un gros dossier également, à la fois pour les monuments : palais à l'abandon, cénotaphes (http://fr.wikipedia.org/wiki/C%C3%A9notaphe), peuplés de vautours, temples, etc. Mais également en raison de l'hébergement chez l'habitant dont nous avons bénéficié : une chambre très agréable, des repas assis par terre dans la cuisine faite de branchages, des chapatis cuits au feu de bois dans un four en terre cuite...

Orchha...Orchha...Orchha...
Orchha...Orchha...

Orchha...

C'est maintenant l'heure de foncer vers Delhi (et oui, un nouveau voyage en train à base de retards, de "c'est la prochaine station", de train qui s'arrête partout, de gens qui courent après le train sur le quai et qui sautent dedans. Bref, la routine.

La suite nous emmènera au Rajasthan, avec une invitée très spéciale...

Au fait. Je ne mentais pas.

...les chèvres sont bien en chemise !...les chèvres sont bien en chemise !

...les chèvres sont bien en chemise !

sam 2725

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N
classe, je vais essayer avec les poneys !
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C
C'est peut être ça la foi ! Etre capable de faire abstraction des choses bassement matérielles pour ne voir que la plénitude lié a ses croyances !!!
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